” Madame Guiraud,
Vous naquîtes le 28 avril 1920 à Masmolène, il y a aujourd’hui cent ans ! Votre père s’appelait Léon Charavel et votre mère Alphonsine Ducros .
Nous sommes au lendemain de la première guerre mondiale et cette année –là, il y eut peu de naissances dans notre village : 8 seulement. Vous fûtes le troisième bébé de l’ année.
( René Ducros et Henriette Robert vous précédèrent, Henri Coulon, Solange Serre , Césarine Bruno, Andréa Gille et Jules Thomas vous suivirent. )
Dix neuf cent vingt , c’est le début des Années Folles : les modes féminines amorcent un courant d’émancipation… Le droit de vote des femmes est encore loin .
A La Capelle et Masmolène, le Conseil Municipal est encore bien sûr masculin !
Le maire, c’est Célestin Marin et son premier adjoint se nomme Ernest Charavel .
(Ils sont accompagnés d’Antonin Dumas, d ‘Auguste Auzière, de Jules Ardisson, de Raphaël Avon, d’Arthur Gille, de Jean Ducros, d’Auguste Sarrobert et d’Adorit Blachère. )
A la tête de l’Etat français victorieux est élu Raymond Poincaré qui succède à Paul Deschanel .
L’inflation est endémique et les conditions de vie des villageois demeurent difficiles .
En mars 1920, le conseil municipal attribue des allocations pour aider 6 familles, en mai il demande des subventions pour les mutilés et les réformés. Il sollicite l’aide de l’Association des Femmes de France et de l’assistance pour les vieillards. Le Bureau de Bienfaisance offre aussi une aide médicale .
Mais vous, Madame Guiraud , votre père est rentré sain et sauf et je me souviens qu’il nous racontait les Dardanelles et la guerre de Crimée, à l’ombre de notre mûrier, au bord de la route, lorsque nous étions enfants.
Ces mûriers étaient déjà là en 1920 et servaient pour l’élevage du ver à soie que l’on faisait dans notre village. Le 30 mai, vous avez deux jours et le conseil municipal fixe les jours et heures du pesage des cocons : tous les jours, à 6 heures et 11 heures du matin.
L’année de votre naissance, Madame Guiraud, l’on parle déjà de l’adduction d’eau pour les 2 hameaux car la source de Masmolène se révèle insuffisante, il faudra utiliser celle de Barbion. Mais ce projet ne sera réalisé que 30 ans plus tard …
Alors, Madame Guiraud, vous devrez longtemps aller puiser l’eau aux puits ou aux fontaines .
La lessive, vous la ferez aussi pendant des années au lavoir : en décembre, 3700 francs seront dévolus pour la réparation des lavoirs .
En juin, on projette l ‘installation de 2 horloges publiques ; en septembre, les agriculteurs sont autorisés à distiller leur vin, à La Capelle devant le four communal et à Masmolène, place de l’école des filles .
Le 31 octobre, on délibère pour la construction du Monument aux Morts. Le soutien de famille Alphonse Pascal, soldat de la 2ème compagnie, est toujours cantonné en Allemagne , il faut aider sa famille avec une subvention .
Le village vit avec ses agriculteurs dont vous êtes issue mais il y a aussi une petite industrie qui s’est développée avec les mines de phosphate, de terre réfractaire, l’exploitation du bois et des fagots, sans oublier la production de charbon de bois, c’est le travail des bouscatiers !
Vous vous êtes mariée le 20 juillet 1946, avec Louis Guiraud et vous eûtes un charmant bambin : Serge, qui avec sa femme Claudie vous donna deux petits-enfants et vous voilà à présent arrière- grand-mère de 3 petits garçons .
Nous vous adressons tous nos vœux de santé et de bonheur pour votre centième anniversaire.
Vous êtes la doyenne de notre village et nous sommes fiers de vous ! “
Françoise Durando